Homélie du Père Wersinger

La question que pose l’évangile d’aujourd’hui est la seule qui compte, finalement : que faire pour avoir la vie éternelle. Autrement dit, quel est le chemin du vrai bonheur. Une excellente question puisque dans quelques minutes nous allons baptiser Ombeline.  Or, être chrétien, c’est marcher avec le Christ sur le chemin de la Vie éternelle.   Mais Jésus ne donne pas une réponse originale, inédite. Il invite à s’interroger sur ce qui nous semble essentiel : dans ce que tu as déjà appris, dans la Loi, que repères-tu de capital ?  Et Ombeline devra un jour répondre personnellement à cette question. La réponse du Docteur de la Loi ne cite pas un passage biblique mais deux : Deutéronome- 6, 4,5 et Lévitique 19, 18.  Le docteur de la Loi voit bien qu’il ne suffit pas de citer un seul passage de la Bible pour, mais de réfléchir à la cohérence générale de la Parole de Dieu. Et c’est ainsi qu’il réunit en un seul commandement, essentiel à ses yeux, deux petits passages presque invisibles au milieu des milliers de commandements rassemblés dans la Bible Il faut aimer indissociablement Dieu et son prochain. Le docteur de la Loi est donc un  excellent théologien et un excellent moraliste. Il est reçu avec mention à l’examen par Jésus ! Et j’espère qu’Ombeline sera elle aussi capable de donner cette belle réponse, grâce à l’éducation de ses parents, et sa fréquentation de la messe, du catéchisme, etc. Car c’est important de connaître la volonté et la Loi de Dieu. On sait bien qu’il y a des gens qui ignorent tout de Dieu et de la religion et qui accomplissent naturellement le grand commandement de Dieu. Mais il est plus sûr et plus simple d’apprendre dès notre enfance ce que Dieu attend de nous.

Cependant la vie chrétienne, la vie d’enfant de Dieu, n’est pas un discours mais une plongée : on se mouille. C’est déterminant.  La Loi dont on parle dans l’évangile parle n’est pas une suite d’idée sur Dieu ou de prescriptions rituelles C’est un code de conduite destiné à nous ouvrir les portes de la vie éternelle. Donc il faut l’appliquer. En français on dirait qu’il y a le « savoir » et le « savoir-faire ». Il faut descendre de la théorie à la pratique. On peut apprendre, comme cet homme, des choses par cœur.  Mais pour le savoir-faire, l’application, Il n’y a que des situations pratiques, concrètes ; immédiates, qui ne sont pas toutes dans le manuel. C’est bien le problème. D’accord pour aimer mon prochain… Mais au fait, c’est qui mon prochain ?  On sent ce qu’il y a derrière cette question… Le prochain risque d’être celui que j’aime bien ! Mais le chemin de la vie éternelle se résume-t-il à aimer ses copains et amis et à faire la fête pendant que des gens souffrent à notre porte ?  

Le prochain, dans la Bible, c’est « le voisin », qui fait partie de mon entourage, même non choisi. Je peux l’apprécier ou pas. Pourtant c’et un proche…  Dans la Bible, l’aimer, c’est surtout ne pas lui faire de tort Mais le prochain, pour Jésus, n’est pas uniquement mon voisinage ordinaire, et ce n’est pas seulement « ne pas faire de tort. N’importe qui, au moment où j’ai conscience de son existence, directement ou par les médias, devient mon prochain.  Ainsi dans l’histoire, un inconnu à moitié mort dans le fossé. Des gens passent « par hasard » …  On n’est pas dans une perspective missionnaire, un programme de bienfaisance, mais dans le quotidien, avec nos préoccupations. Le prêtre descendait de Jérusalem à Jéricho. Donc il avait fini son service… Il pouvait se rendre impur. Mais peut-être était-il pressé de revoir sa famille. Peut-être allait-il rendre service ailleurs. Peut-être supposait-il que l’homme était ivre et allait se relever dans quelques instants… Et pareil pour le Lévite… On peut tout imaginer ; C’est le problème. On imagine, on suppose.  Le lévite et le prêtre pourraient réciter par cœur le couplet sur l’amour du prochain tout en n’ayant jamais à appliquer cette loi de vie, puisqu’ils s’écartent pour éviter que l’autre ne devienne leur prochain. Ils n’ont pas fait de tort à cet homme dans le fossé. Mais il va mourir.  Comme ces voisins de camps de concentration qui s’arrangeaient pour ne pas aller voir, ne pas savoir, et ne pas être obligés d’agir.  Le Samaritain, lui, n’imagine rien du tout. Il s’approche pour voir… Et ensuite le cœur parle, et pas seulement le cœur, puisqu’il prend soin de cet homme dans la durée, en le confiant à d’autre. Sur notre chemin nous nous approchons ou nous nous éloignons, nous devenons prochains ou lointains. Que le Seigneur aide Ombeline à avoir beaucoup de prochains à aimer de sorte qu’elle reste sur le chemin de la Vie éternelle.

Père Jacques Wersinger